Sculpter la cire (3)
Magique ?
La cire est troublante et porteuse de sens ambigus : sécrétion charnelle, organique, elle véhicule la vie et la mort. C’est une matière empreinte de magie, un objet rituel qui nous interpelle et nous pénètre.
Le texte suivant reflète pour moi un pan de son mystère :
« A l’une des voiturettes officiait une vielle femme d’allure majestueuse, vêtue de noir, assise comme une statue sur un tabouret de bois. Un jeune garçon, très élégant, veillait sur l’autre. Leurs étalages étaient quasiment identiques : rosaires, images pieuses, Jésus de plastiques, croix d’argent au bout de chaînes en argent, crucifix sur pied, crucifix muraux, Bibles, photographies encadrées du Mont Marie, souvenirs de Bombay pour les pèlerins venus d’ailleurs. Mais tous ces objets n’occupaient que la périphérie des carrioles : le centre était consacré aux produits en cire.
En rangées bien nettes s’alignaient doigts, pouces, mains, coudes, bras (avec ou sans mains), rotules, pieds, jambes tronquées. Mains et pieds, droits ou gauches, étaient disponibles en deux tailles : enfants et adultes. Quand aux crânes, yeux, nez, oreilles et lèvres, on les trouvait groupés à l’écart. Enfin, on pouvait également se procurer des figurines de cire complètes, mâles et femelles. Ils étaient tous là, les articles du catalogue qu’avait énumérés le chauffeur de taxi, sections et sous-sections de membres et de torses classés en ordre anatomique.
Une image flotta brièvement devant les yeux de Gustad : celle du dispensaire de Madhiwalla le Rebouteux, et de membres inertes, pendant aussi flasques et désarmés que leurs homologues en cire. »
Rohinton Mistry « Un si long voyage » 1991 trad F. Adelstain
Sculpture en cire en cours de travail actuellement
Voir aussi les articles:
du 25 avril 2010 sculpter la cire 1
du 4 juillet 2010 sculpter la cire 2
"La chair des bronzes"